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10 janvier 2007

L'égout de vivre.

cardon
Cardon, Le Fou parle, n° 27 mars 1984

L'égout de vivre ? Ce sujet m'a surpris au début. Mais après tout, chacun son goût. Ou son égout. Sartre l'a dit : chez l'homme, la fange précède l'ange. A la naissance, sorti du bourbier placentaire, on crie, on pleure. On ne rit qu'ensuite. Bien plus tard. D'un rire jaune, la plupart du temps. D'où l'hépatite des nourrissons. Plus tard, on rira noir et blanc, selon son continent. Comme dans les films au temps du muet. Un film noir et blanc, la naissance. Avec un peu de jaune au bout du rire. Du Mack Sennett au ralenti. "La vie, quel cinéma !" disait un idiot à Lumière. Le cinéma, nous y voilà.

D'ailleurs, beaucoup mettent des années à s'en remettre. A se remettre d'avoir, imberbes et nus, figuré dans un film imprévu : tourné le jour de leur naissance. Où s'agitaient avec des gestes lents des comédiens grimés en blanc avec un masque sur la bouche. L'Obstétricien était leur chef. Curieux nom pour un personnage. Un jour, pour en avoir le coeur net, j'ai interrogé mes parents.
   - C'est vrai que je suis né tout jaune ? Où était le metteur en scène ?
   - Qu'est-ce tu racontes ? Je ne comprends rien. De quoi parles-tu ?
   - D'égout et de couleurs, leur ai-je répondu.

Depuis ce jour, je suis blasé. Je suis blessé. Je garde en moi le cri rentré. Car j'ai eu du mal à crier. Je tenais ma gorge serrée. Il a fallu me bousculer. Il a fallu me malmener. Et je me suis mis à crier. Mes poumons se sont dépliés. Mes paupières se sont déplissées. Mes orteils se sont déployés. Mes oreilles se sont décollées. Toute ma peau s'est défripée et tout mon corps s'est défroissé. Et je me suis époumoné. C'est le premier chant du poupon.

Longtemps, on m'a pouponné de bonne heure. Mais ce temps-là est bien fini ! Dans la lueur des premiers matins, j'ai connu la douceur du talc. "La vie est une question de talc", disait toujours d'une voix douce la voisine qui me saupoudrait. Et moi, je répondais du talc au talc:
   "Vos mots, vos mains et votre tact,
   Le doux de vos attouchements
   Immaculent mon derme intact:
  J'étais jaune et me voici blanc !"

Après le poupon, le mouron. Je suis devenu atrocement adulte le jour affreux où je compris que la vie ne pouvait être une éternelle pouponnière.
- "Maintenant que vous êtes grand, il faudra vous talquer vous-même", me dit la dame d'une voix douce en s'en allant ultimement.
"Talque-toi toi-même ", la voilà la devise de l’âge adulte, celle qu'il faudrait inscrire au front des pouponnières. Mais quelle société, quel régime, quelle nation et quel État reconnaissent à l'homme, en leur Constitution, le droit de se talquer lui-même ? Autour de moi, où que j'aille et où que je cherche, je ne vois que manque de talc, grossièreté, rugosité et tout ce que cela entraîne dans les rapports humains: morosité, nervosité et monstruosité.
De quoi se dégoûter de vivre ! Mais revenons à nos moutons, à nos mourons. Impossible d'écrire sur l'égout de vivre si on ne s'entend pas d'abord sur les mots.
   Égout : Lieu où s'égouttent les déchets du monde que l'on nomme immondices.
   Cloaque : Boue et flaque en lieu clos.
   Fange : "La vie est une fange", pièce d'un certain Pedro Calderon de la Barca, jouée en 1631 au Portugal, où il montre que la pureté du monde n'est que pure illusion. L'illusion seule étant pure, il suit que le réel n'est que fange. Calderon est le premier auteur dramatique à avoir écrit sur l'égout de vivre.

Calderon rime avec mouron. Revenons-y. J'écris sur l'égout de vivre. J'écris sur l'égout et les couleurs. J'écris sur l'égout, sur tout l'égout qui est dans la nature. Regardez la nature. Vous verrez qu'elle est devenue un cloaque, boue et flaque, un catafalque de verdure. Le dépôt de toutes nos dépouilles. Le dépotoir des pollutions, Le derme atteint de nos prurits. De profondis puritatae. De ascensis pruritatae. Un vieil ami dermatologue me le dit depuis très longtemps: la vie n'est qu'un prurit sur l'écorce du monde. C'est bien vrai. Nous vivons au coeur d'un monde pruritain, d'une société où le pruritanisme est roi. Ce qui entraîne l'égout de vivre. C.Q.F.D.

Jacques Lacarrière
Le Fou parle, n° 27 mars 1984


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Cardon, Le Fou parle, n° 27 mars 1984

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Commentaires
A
J'écris d'Italie, j'ai été guéri par le Dr Jekawo, un phytothérapeute traditionnel qui a guéri de nombreuses maladies comme le VIH/sida, l'herpès, le diabète, la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques, l'hépatite et le cancer. Un de mes amis m'a dit de contacter le Dr Jekawo et après l'avoir contacté, il m'a ensuite préparé un médicament à base de plantes qui a complètement guéri mon hépatite et mon cancer de la prostate après avoir bu ses médicaments à base de plantes pendant 15 jours. Je suis tellement reconnaissante en ce moment et j'ai envie de partager ceci ici afin que tout le monde puisse être soigné par le Dr Jekawo. ses coordonnées e-mail sont : drjekawo@gmail.com il guérit tant de maladies et ils l'appellent un grand guérisseur.<br /> <br /> <br /> <br /> Merci à l'administrateur du blog.'''''''''''
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R
c'est un beau texte, très réaliste
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