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18 mai 2006

Obsessions (6)

Celui qui fixait toujours les motifs des papiers peints ou des revêtements de sol pour y découvrir des monstres, des dragons ou des sorcières.

Celui qui était toujours, disait-il, à la recherche des moments parfaits.

Celui qui crachait partout. 

Celui qui avait décidé de ne rien écrire d'important, ni même de rien écrire du tout. Il disait s'y efforcer réellement.

Celui qui aimait se faire caresser tous les matins, dans le métro de 7 h 48, par un vieil homme qui gardait la main dans la poche de sa gabardine.

Celui qui se branlait régulièrement le membre pour le faire pousser.

Celui qui ne parlait de ses amants qu'en coups de queue et coups de cul.

Celui qui tous les jours s'attendait au miracle.

Celui qui collectionnait toutes les photos de son idole, Michel Serrault.

Celui qui essuyait tout, miettes, gras, cendres. Même quand il ne les voyait pas.

Celui qui décollait la couverture des livres, pour l'épingler au mur. Il jetait ensuite le livre.

Celui qui classait toutes les idées des autres dans des fichiers en bois, qu'il feuilletait quand on lui commandait un article très personnel.

Celui qui suivait certaines person­nes dans la rue, et même prenait le train avec elles jusqu'en Italie, sans leur vouloir d'ailleurs aucun mal, simplement pour veiller sur elles.

Celui qui, à chaque flirt, croyait vivre une passion, avec ses chagrins et ses complications, et même ses ruptures.

Celui qui, bien que dans la force de l'âge, n'avait plus de goût pour l'amour, ni d'ailleurs pour grand chose, sauf pour manger de mieux en mieux.

Celui qui, dans l'amour, ne ratait vraiment aucune occasion pour faire des chatouilles.

Celui qui, par profession, recevait beaucoup de livres à son domicile, et les jetait les uns après les autres, aussitôt.

Celui qui préférait toujours ses amours passées.

Celui qui avait décidé de classer les anomalies.

Celui qui, avec beaucoup de savoir-faire, répondait aux annonces d'emploi pour se faire offrir ses randonnées de week-end.

Celui qui chiquait toute la sainte journée.

à suivre…

Jean-Luc Hennig, in "Le Fou parle", n° 24 mai/juin 1983

Petit hommage à Georges Perec

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