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8 février 2007

Grève et conséquences...

Sébastien vient juste d'avoir dix-huit ans. Il n'est plus aussi beau qu'un enfant pas encore aussi fort qu'un homme...
Sébastien a des soucis. A son âge, on pense que la vie est belle, qu'il suffit d'y croire pour que les souhaits se réalisent...
Sébastien je l'aime bien. Il n'est pas très futé, mais il a des certitudes. Il pense que s'il n'a pas son CAP, ce n'est pas grave : "de toutes façons, j'irai bosser au black, ça rapporte plus de thune.." Sébastien dans sa tête c'est encore un gosse mais la carapace qui le recouvre lui fait croire qu'il est un homme. Il marche en écartant un peu les jambes, façon cow-boy, il porte la casquette relevée sur la tête d'une façon un peu anachronique, il ressemble plus à un titi parisien des années 50 qu'à un loubard de banlieue. Il arrive la matin avec une cigarette sur l'oreille : "j'fume pas M'sieur, mais maintenant que j'ai 18 ans je peux aller la griller dehors à la pause, si j'veux!..." Sébastien, il a de l'humour, enfin un peu d'humour. Mais il est vite déstabilisé. Une fois, je lui ai demandé pourquoi il marchait comme un cow-boy.
"C'est pour les filles !
Ah! je vois, tes couilles sont trop grosses !"
ai-je répondu.
Il a rit. Doucement. Sébastien prend des poses de "méchant". Parfois je l'observe dans la cour. Il est seul. Quand il passe devant les portes vitrées, il inspecte son reflet. Il bombe le torse, ajuste son pantalon, remonte sa casquette, fait un tour sur lui-même. Si une porte s'ouvre, si quelqu'un arrive, il fait semblant de rien et repart sans se retourner. Sébastien c'est un grand loustic qu'on a parfois envie de consoler comme un gosse de 8 ans qui pleure après l'engueulade. Mais Sébastien, il a 18 ans. Sébastien il n'a pas de copains, il n'a pas de copine non plus. C'est pas que ça l'embête vraiment, mais devant les autres, ça la fout moche. Sébastien, je crois qu'il se cherche encore. A l'internat ça ne se passe pas très bien niveau discipline et contact avec les adultes. Mais l'internat Sébastien il aime bien. il y a passé toute sa scolarité de la 6ème à aujourd'hui. C'est sa maison, il y a passé presque plus de temps qu'avec ses parents depuis 6 ans. Chez lui c'est ailleurs. Son père a tendance à abuser du "jaune", du rouge aussi, et du sans couleur, pareil...! Tant qu'il était petit, Sébastien prenait des "branlées" pour un oui pour un non de la part de son père. C'est de famille. Ses deux grands frères sont passés par là, eux aussi. Le père, il tape jusqu'à ce que les fils soient plus grands que lui. Un jour ils se retournent, foutent sur la gueule du père et ensuite, terminé, ils n'existent plus... Sébastien, ça y est, il est "grand", il en a foutu une à son père... Mais maintenant c'est plus difficile quand il rentre à la maison. Sébastien, pour faire plaisir aux copains, il est capable de faire des conneries. Je pense qu'il fume un peu de shit le week-end et qu'il boit aussi, plus qu'il ne faudrait. Sébastien a horreur de l'injustice. Enfin, il a sa conception de la justice. Suite à une bagarre avec un autre élève, il est allé porter plainte. L'autre ne se rappelait même plus de la raison de la bagarre. Sébastien, lui il voulait que "la justice soit faite...".
En raison de la grève d'aujourd'hui, Sébastien est reparti chez lui hier après-midi. On l'a accompagné en voiture jusqu'à la gare.
Ce matin, vers 9 heures, la mère de Sébastien m'a appelé :
"Il a bien pris son train, hier le gosse ?
Oui, pourquoi ?
Ben, il est encore pas rentré.
Mais Madame, ça fait presque 24 heures, pourquoi vous n'avez pas appelé avant ?
On a pensé qu'il était chez un copain, mais ce matin on a appelé chez ceux qu'on connaît, mais il n'y était pas.
Vous avez contacté la gendarmerie ?
....!?
Bon je raccroche j'appelle les gendarmes et je vous rappelle, à tout de suite.
D'accord, à tout de suite"....

__________________

VENDREDI 9 FEVRIER

Je reprends le message à la suite pour plus de facilité de lecture

Tôt ce matin, un coup de téléphone de la famille de Sébastien. Il est revenu à la maison. Il me demande s'il peut revenir au lycée. D'accord.

Deux heures plus tard, il entre dans mon bureau, mi penaud - mi fier de lui. Il me dit qu'il est allé coucher chez un copain à 500 mètres de chez lui. Il a fait ça à cause de son père. Celui-ci avait arrêté de picoler il y a un mois, mais le week-end dernier il a remis ça... C'était pour l'emmerder qu'il est parti. A mon avis, ça n'a pas du l'emmerder beaucoup le vieux dans l'état où il était quand je l'ai eu au téléphone... A vue d'oreille, il devait bien avoir 2 grammes 5 dans chaque bras...

A ce moment le téléphone sonne. Le lieutenant de gendarmerie veut s'entretenir avec Sébastien, pour l'engueuler. Je lui brosse un rapide portrait de la situation familiale et je descends Sébastien à la caserne. Il remontera une heure plus tard, retournera en cours. Je ne l'ai pas revu avant son départ en week-end....

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Commentaires
S
En plus, tu vas pouvoir l'orienter vers le nouveau métier que tu viens d'inventer: mesureur de taux d'alcoolémie par téléphone.
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G
Et dans ces situations-là, on se sent vite désarmé et vide d'arguments autres que "raisonnables"... non ?
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D
A la bonne heure! il est peut-être temps qu'il décroche son diplôme et qu'il s'installe ailleurs lui.
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D
Je ne voudrais pas être pessimiste mais ça m'étonnerait que la police le recherche activement. S'il est majeur et s'ils n'ont pas de "bonnes" raisons pour le retrouver...
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